Dans une interview accordée à notre rédaction, Alpha Oumar Taran Diallo président de l’Alliance démocratique pour le renouveau (ADR) a parlé du déguerpissement en cours à Dar-es-Salam, du fichier électoral et les velléités de modification de la Constitution guinéenne. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
Guinee360.com: Après Demodoula, Kaporo rails, Kipé 2 et Dimesse, le gouvernement est en train de déguerpir des populations riveraines de la décharge de Dar-es-Salam. Quelle lecture faites vous de cette actualité ?
Alpha Oumar Taran Diallo: En première des choses, on dirait que les ordures sont plus importantes aux yeux du gouvernement que les citoyens guinéens puisque que nous sommes au début de la saison des pluies et en plein mois de Ramadan. La population guinéenne est en majorité musulmane. Nous sommes dans une période difficile et délicate, donc, si le gouvernement entame un déguerpissement même s’il y a dédommagement, nous considérons que ce n’était pas opportun. Normalement, on devrait pas aggrandir cette décharge. On devait plutôt la déplacer pour plus de sécurité parce que ce n’est pas seulement le risque d’éboulement, il y a aussi la fumée et les odeurs sans parler des risques de maladies. Ce serait mieux que le gouvernement assume ses responsabilités en déplaçant cette décharge pour la protection des populations riveraines non en cassant leurs maisons en début de saison pluvieuse et en plein Ramadan. On devait plutôt l’amener loin des habitations.
Le RPG Arc-en-ciel annonce le début très prochainement d’une campagne pour une modification de la Constitution. Votre avis sur ce sujet ?
Nous pensons que cela se fait juste pour l’intérêt d’un individu et non dans l’intérêt de la nation guinéenne. Si on voulait proposer quelque chose de perin à la Guinée, ça aurait dû être au début du premier mandat. C’est à dire en 2010, 2011, 2012. Mais attendre la fin des deux mandats prescrits par la Constitution guinéenne, moi je pense que c’est pour permettre à personne de s’éterniser au pouvoir. On voudrait qu’Alpha Condé meurt au pouvoir mais je ne sais pour quel intérêt. À chaque fois qu’un président est mort au pouvoir en Guinée, il y a eu des crises dans le pays dont le point culminant a été le 28 septembre 2009 dont nous connaissons l’ampleur des dégâts. La constitution que nous avons actuellement est bonne parce qu’elle nous a permis de vivre en harmonie depuis dix ans. C’est elle qui a permis de régler la crise engendrée par le décès du Général Lansana Conté. Pourquoi aujourd’hui, tirer à boulets rouges sur cette Constitution-là si ce n’est dans l’intérêt d’un seul individu ? Nous nous pensons que la Constitution que nous avons est bonne et elle peut nous permettre d’aller à une alternance. Après, s’il y a des amendements à faire, on les fera en laissant intacts les points inintangibles qui sont la durée et le nombre de mandats présidentiels. Ça me rappelle ce qui s’est passé en 2001. Les personnes qui sont autour du président Alpha Condé aujourd’hui sont les promoteurs de cette modification là et ce sont les mêmes qui étaient les concepteurs du coudeisme au temps du Général Lansana Conté. L’on se rappelle de certains ministres qui étaient là et qui sont là aujourd’hui encore en train de conduire la Guinée vers une autre crise.
Au lieu de procéder à un appel d’offres international, la commission électorale nationale indépendante (CENI) fait un appel d’offres restreint de sept opérateurs. Votre réaction ?
Nous sommes en train d’observer la façon dont ça se passe. Je pense qu’il y a cette possibilité de faire un appel d’offres restreint. Je me dis que c’est dans ce sens là. Si c’est le cas, il n’ y a pas de soucis. Mais, attendons de voir, parce que souvent chaque qu’il y a eu une révision ou un toilettage du fichier, on est arrivé à un fichier qui est pire que celui qu’on avait. On espère que cette fois-ci, la CENI fera un travail correcte qui nous permettra d’aller à ces élections là avec plus de sérénité.
Qu’est-ce que vous avez à ajouter pour clôturer cet entretien ?
C’est demander au peuple de Guinée d’être vigilant et de ne pas accepter que les textes de lois soient manipulés pour des intérêts individuels. Mais plutôt que des textes soient amendés et appliqués dans l’intérêt général. C’est la seule chose qui peut nous aider. C’est la seule loi qui est garant de notre sécurité. Il faut se battre pour que la Constitution, le code civil, le code de procédure pénale soit respectée et appliqués à la lettre pour qu’on puisse vivre en sécurité et qu’on se sente bien dans notre pays. Voilà l’appel qu’on a à lancer. Vous avez vu récemment, l’inondation qui a eu lieu à Dabondi, vous avez vu l’occupation anarchique des terrains. Le gouvernement a fait construire un marché dans un lac qui jouait le rôle de régulateur dans la zone puisque c’est le bassin versant de toute la zone. Les eaux de ruissellement tombaient là avant d’aller vers la mer mais puisque le lieu est occupé et on a érigé un mur là, les eaux sont en train de se diriger vers les concessions. Une fine pluie qui tombe comme ça en début de saison et fait cinq morts et des dégâts matériels, cela démontre la négligence de notre gouvernement. Donc, il faut qu’on soit vigilant et qu’on exige que ce gouvernement-là fasse le travail pour lequel, il a été mis en place. Puisque nous mettons les moyens à sa disposition pour cela il faut qu’on exige qu’il fasse son travail pour ne pas qu’il se lance dans le détournement vu l’ampleur que cela est en train de prendre d’autres le pays. Vous avez vu BNP Paribas qui est en train de se retirer de la Guinée à cause de la corruption, de blanchiment d’argent et de malversations financières. Ça n’honore pas la Guinée. Ça serait bien que la population, pour une fois, exige au gouvernement un respect des textes, de l’éthique et de la déontologie et qu’on respecte les principes de la bonne gouvernance.