Après près de 20 années passées au pouvoir, en ce mois d’août 1977, le régime de Sekou Touré fait face à une véritable révolte populaire des femmes. Ce 27 août 1977, ce sont les vendeuses du marché M’balia qui sont descendues dans la rue.
Tout est parti de l’interdiction par Sekou Touré en 1975 de tout commerce privé. Une police économique chargée de réprimer toute tentative de commerce privé est créé à cet effet. Poussées jusqu’à leur dernier retranchement, les femmes n’ont d’autre possibilité que de résister face à l’oppression de la révolution.
Au mois de mars 1977, Sekou Touré signe un décret prévoyant que tous les produits agricoles doivent être livrés par des coopératives d’État. Des comités de femmes sont crées pour protester contre la cherté des denrées de première nécessité.
Le 27 août 1977, un policier a tenté de retirer des pagnes que camouflait Saran Camara, une vendeuse du marché Mbalia avant que la dame appelle au secours. Toutes les femmes sont venues, munies de chaises, cailloux, bois…
La révolte des femmes commence au marché Mbalia, actuel marché Madina avant de s’étendre dans tous le pays. Les locaux de la police économique ont été saccagés par ces femmes avant que le pouvoir de Conakry abdique et supprime cette Police Economique. Sekou Touré dira devant les femmes qui étaient venues jusqu’au palais présidentiel « A bas la Police Economique, vive les femmes de Guinée ».
« Le lendemain, le Palais du peuple a refoulé du monde. D’habitude, pour aller au palais rencontrer le président Sékou Touré, tout le monde s’habillait en blanc ; ce jour-là, nous étions en haillons, les hanches bien attachées avec nos foulards (mouchoirs de tête), prêtes à mourir ou à mettre fin à la souffrance de tout un peuple. Arrivé dans la salle avec tout son état-major, il a commencé par ses slogans habituels « pour la révolution », nous avons répondu « à bas », il a dit « vive le peuple de Guinée », nous avons répondu en concert “nous ne sommes pas ici pour ça”.
La tension est montée d’un cran dans la salle et ses services, qui ont flairé le coup, lui ont soufflé qu’il fallait partir d’ici, quitter immédiatement la salle. Nous avons voulu foncer vers la loge officielle, il a pris la fuite et ses ministres derrière lui, 177 les jambes à leur cou (elle rit), lui ont emboîté le pas. Je revois encore cette débandade de tout un gouvernement et ce jour-là s’il y avait vraiment eu des hommes courageux, ce serait fini pour Sékou, c’est-à-dire que le pouvoir était dans la rue » a expliqué à RFI Sayon Bamba, une des actrices de cette révolte.