Dans une interview exclusive accordée à Guinee360, Amadou Oury Bah connu sous l’appellation Bah Oury, président de l’UDRG aborde l’actualité politique guinéenne marquée par le coup d’État militaire qui a renversé Alpha Condé le 05 septembre dernier, les consultations en cours, la formation du gouvernement de transition et les échéances électorales à venir. Il faut rappeler que Bah Oury est ancien ministre de la réconciliation nationale sous le deuxième république. Il est présentement proche de l’ex chef de file de l’opposition guinéenne, Elhadj Mamadou Sylla, au sein de la Convergence pour la Renaissance de la Démocratie en Guinée (COREDE).
Guinee360: Cela fait aujourd’hui trois semaines depuis qu’Alpha Condé a été déposé par l’armée. Que faisiez-vous quand vous avez appris la nouvelle ?
Bah Oury: Je revenais de l’intérieur du pays, moins de 72 heures auparavant avec l’état des routes, il fallait se reposer et retrouver ses esprits. Donc c’est dans ce contexte que nous avons suivi les événements. A un moment donné, moi, je croyais que c’était un film le fait de montrer le président assis dans un fauteuil entouré par des militaires. Donc, par la suite, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agit d’une réalité.
Quand Cellou Dalein Diallo réclamait sa victoire à la présidentielle du 18 octobre, vous avez été l’un des rares opposants à appeler à une transition. Est-ce que vous saviez que ce coup d’État allait se produire ?
Il faut restituer les choses dans le contexte. Après le référendum de mars 2020, j’avais dit que la Guinée ira nécessairement ou d’une manière incontournable vers une transition politique. Parce que les autorités avaient bloqué tout processus d’évolution du pouvoir par les urnes. Donc la volonté d’accaparement et de confiscation de la souveraineté du peuple ne pourrait pas résister à la longue à la montée des mécontentements et des situations qui se sont révélées encore beaucoup plus catastrophiques. Je n’aurais pu le penser et ça, c’était avant même l’élection du 18 octobre 2020. Après l’élection du 18 octobre 2020, nous nous sommes rendus à l’évidence que la communauté internationale a pris acte que monsieur Alpha Condé est le président de la République.
Qu’est-ce qui explique votre déplacement au QG des Forces spéciales dès les premiers heures de la prise du pouvoir ? C’était sur invitation ou pas?
À partir du moment où il est le responsable de l’exécutif guinéen, chef de l’état et président du CNRD, il assume les fonctions de président de la République. En tant que responsable politique, j’ai des liens avec le Colonel Doumbouya. Nous nous sommes vus 48 heures après le coup d’État intervenu le 5 septembre dernier. Il faut qu’il ait la nécessité de tout faire pour que la transition politique qui doit commencer maintenant soit un succès. Parce que s’il ne réussit pas, c’est pour eux le drame et la tragédie pour l’ensemble du peuple de Guinée. Et la Guinée a trop longtemps souffert pour continuer à encaisser encore des échecs et des remises en cause qui nous font regretter. Nous avons besoin de réussir sans contrepartie.
Les consultations nationales en vue de la formation d’un gouvernement de transition sont en cours. Est-ce que vous avez été approché par le CNRD pour diriger la Primature ?
Par rapport à la prise de responsabilité, pour éviter les erreurs du passé, il faut éviter d’avoir un gouvernement composé à partir des parties politiques. Il faudra tirer les leçons du gouvernement avec feu Jean-Marie Dore et faire en sorte que des hommes et des femmes en fonction de leurs compétences et de leurs capacités d’apporter des solutions puissent être ceux et celles qui vont être proposé à ces responsabilités indépendamment de leurs sensibilités qui sont relativement secondaires. L’essentiel, ce sont leurs compétences, leurs loyautés et leurs intégrités vis-à-vis des loyaux intérêts de la république. Il faut prendre des gens dehors qui sont apolitiques Parce que si vous prenez dans les partis directement, ils vont aller reprendre les mêmes choses et les mêmes conflits qui existent entre les partis politiques. Donc il faudrait que ça soit des personnalités connues pour leurs intégrités en tenant compte bien entendu de l’ensemble des identités pour que chaque Guinéen puisse se reconnaître à travers ce gouvernement de transition qui se mettra en place.
Le président Condé est toujours maintenu en détention. Est-ce que vous comprenez le CNRD qui annonce que le le président déchu demeurera en Guinée malgré les menaces brandies par la CEDEAO ?
Je comprends très bien cette décision. D’abord ce qui est important actuellement, il faut absolument assurer l’intégrité morale du président Alpha Condé. En aucune manière, il ne faut qu’il soit dans une situation qui n’est pas souhaitable et pour les personnes susceptibles d’être interpellées. Maintenant, la situation nationale amène à prendre des mesures conservatoires pour assurer la sécurité et la stabilité du pays. C’est la raison pour laquelle, il est tout à fait compréhensif que dans la phase actuelle que les choses se mettent effectivement en force.
Des voix se lèvent pour demander le renouvellement de la classe politique. C’est quoi votre avis sur la question ? N’est-ce-pas une forme d’exclusion ?
Occupons-nous de l’essentiel, chaque chose à son temps. J’ai toujours milité pour le renouvellement de la classe politique et ça ne date pas d’aujourd’hui. Et renouveler la classe politique ne veut pas dire prendre des jeunes de 30 ans à 40 ans pour dire que tu renouvelles la classe politique. Il faut être porteur de manière beaucoup plus des tares et des conservatrices politiques qui ont caractérisé la Guinée depuis l’indépendance. Le renouvellement de la classe politique se fait par le renouvellement des idées, de la pratique politique, des projets et par une lourde gouvernance. Il faut changer fondamentalement de stratégies. Et c’est dans ce sens qu’il faut comprendre qu’il s’agit de renouveler la classe politique.
Quels sont vos rapports avec le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo actuellement ?
Ce sont des rapports d’un président d’un parti politique à un autre président d’un parti. Nous au niveau de la CODEC qui est composée de 22 partis politiques, nous avons été les premiers à tendre la main aux autres, et cela, depuis le 8 août 2021, où dans le cadre de la mise en place du cadre de concertations que l’ancien ministre Kassory Fofana avait demandé. Nous avions envoyé des messages à tous les partis y compris l’ANAD, pour leur dire, il faut qu’on se concerte afin d’avoir une même lecture, une même approche par rapport à ce contexte. Nous avons renouvelé cette même approche il y a une semaine de cela. Et dimanche dernier, on devrait se retrouver, mais pour des questions de positionnement, je ne sais quoi ils ont préféré agir autrement. Donc nous avons tendu la main et c’est cette main qui n’a pas été retenue, mais nous continuons à avancer et à promouvoir une approche politique qui dépasse les clivages parce que la nécessité d’avoir une transition inclusive, apaisée, transparente, efficace et réussie condamne à ce que nous voyons toutes les choses dans la même direction y compris les différentes plateformes qui existent.