Le leader du mouvement républicain (MR) Alpha Oumar Taran Diallo a accordé une interview à la rédaction de Guinee360. Il a parlé entre autres des élections communales du 4 février 2018, des violences qui ont suivies le scrutin, des négociations pour la mairie de Fria, la grève des enseignants… Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
Guinee360.com: Nous avons appris que le RPG-Arc-en-ciel aurait proposé 80 millions de francs guinéens et une voiture à deux de vos éléments à Fria pour l’aider à avoir la tête de la mairie. Avez-vous eu vent de cela?
Alpha Oumar Taran Diallo: Au niveau du bureau national, nous pensons que cette information, c’est juste dans le cadre de la déstabilisation du mouvement parce que la campagne contre les candidatures indépendantes étaient très rudes. Tous les grands partis politiques se sont acharnés contre nous. Donc, nous estimons que c’est cet acharnement là qui continue. Nous avons entièrement confiance à nos cadres qui ont été élus dans cette commune parce que pour être élu, il faut avoir fait un bon travail. Nous, nous estimons que ce résultat, c’est suite à leur engagement sur le terrain que les populations ont eu confiance en eux.
Arrivé troisième dans cette commune, le MR est aujourd’hui le faiseur de roi. Avez-vous été contacté par les deux premiers (UFDG, RPG)?
Il y a des contacts qui ne sont pas toujours formels mais les négociations ne se feront pas à Fria. C’est au niveau du bureau national. Mais comme nous sommes les faiseurs de roi là bas, ils passeront par tous les moyens pour nous déstabiliser. Nous connaissons comment les choses se passent dans notre pays. Ce que je peux vous dire, ce n’est pas notre démembrement à Fria qui va mener les négociations. Tout se fera à Conakry. Nous avons eu des réunions dans ce sens dans la capitale ici avec tous les cadres et les élus qui étaient tous venus. On a travaillé sur une plateforme de négociations. Il y a eu entente sur tous les contours. On a mis en place une équipe chargée de mener ces négociations. Si les gens s’acharnent contre eux là bas, c’est juste pour nous détourner de l’essentiel. C’est à dire les préoccupations de nos concitoyens au niveau de Fria.
Et si certains de vos éléments ne se soumettaient pas aux décisions prises lors de vos réunions ?
Au sein du mouvement, nous avons une charte. Tout le monde connaissait cela avant de s’engager avec le mouvement républicain. Lorsqu’ils sont venus, on a mené le combat ensemble et je ne pense pas qu’ils vont se dérober après ce résultat là. Les textes sont clairs. À partir du moment où vous ne vous sentez pas bien avec les principes et règlement du mouvement, vous êtes obligé de partir.
Quel enseignement tirez-vous des élections locales du 4 février 2018?
Le premier enseignement est que les citoyens avaient perdu l’habitude de ces élections. Donc, on a complètement oublié les enjeux liés à ces communales. Cela se justifie par le fort taux d’abstention surtout dans les grandes villes où les gens ne sont pas allé voter. Ceci est dû certainement par le fait que les gens avaient perdu l’habitude de ces élections. La grande partie des électeurs aujourd’hui, n’avait pas atteint la majorité en 2005. On a confondu ces élections locales à celles nationales alors que ce n’est pas la même chose. Mais je pense que si la CENI avait fait un travail correcte, rigoureux qui permettrait, la sérénité et l’apaisement dans la cité, pour les futures échéances électorales, il y aura beaucoup plus d’engouement.
Et en ce qui concerne votre participation ?
Bien, nous avons tiré de très bonnes leçons de cette participation. Cette expérience va nous permettre d’affronter les prochaines élections avec beaucoup plus de sérénité et avec une stratégie percutante sur le terrain. À Matoto, nous n’avons pas pu avoir d’élus compte tenu de plusieurs choses. D’abord, il y a la manière dont la campagne a été mené contre les candidatures indépendantes. Il y a aussi la durée de la campagne qui a été courte. La troisième chose c’est la fraude et l’annulation de certains bureaux de vote. Cela a beaucoup joué sur nous. Nous avons fait une campagne porte à porte. On a rencontré les populations de la commune de Matoto. Cela nous a permis de nous faire connaître et de faire connaître notre mouvement. On qualifie souvent cette population d’analphabète mais on a compris qu’elle n’est pas bête et elle sait tirer des conclusions. Nous avons beaucoup appris avec ces élections. À Fria, nous sommes arrivé troisième devant des grands partis politiques comme l’UFR. Tout cela démontre que la stratégie et la méthode que nous avons utilisé sont efficaces.
Qu’est-ce que vous avez à dire par rapport aux violences qui ont éclatées après la fermeture des bureaux de vote à Conakry et à l’intérieur du pays ?
C’est là que je dis la CENI et les forces de défense et de sécurité ont une grande responsabilité. Ces deux institutions doivent assumer cela. Elles doivent assumer leurs rôles parce que la quiétude dans la cité dépend souvent de leurs agissements. J’en appelle au calme et à la retenue. La paix dans la cité incombe en premier lieu l’État, au gouvernement, aux forces de défense et de sécurité parce que c’est dans leurs mains qu’on a mis tous les moyens pour la sécurité des citoyens.
Une grève générale et illimitée déclenchée par le syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) paralyse le système éducatif guinéen depuis le 12 février dernier. Le gouvernement refuse de négocier avec Aboubacar Soumah leader du mouvement. Quelle lecture faites-vous de cette actualité ?
C’est toujours l’habitude de notre gouvernement. C’est de jouer à l’autruche. C’est de voiler la face, dénoncer, calomnier les gens en faisant croire qu’ils ne sont pas légitimes. On a tous vu que ce syndicat a appelé à la grève et elle est suivie par l’ensemble des enseignants. Cela nous fait beaucoup mal parce que nos enfants sont à la maison même ceux qui sont dans les écoles privées. Nous payons la scolarité pour rien. Je demande au gouvernement d’aller négocier avec les grévistes. En matière syndicale, la légitimité prime sur la légalité. C’est celui qui mobilise qu’il faut écouter. Il faut que cette crise s’arrête si non on risque une année blanche. Même si on ne décrète pas l’année blanche, les programmes vont être escamotés. Cela va se répercuter sur la formation des enfants jusqu’à la fin du cycle universitaire. Il faut négocier avec les grévistes en proposant des choses réalistes et réalisables. Mais aussi et surtout respecter les engagements qu’on va signer. Le plus souvent, c’est l’État qui pousse les gens à douter des engagements pris puisqu’il ne respecte jamais ses engagements.
Après l’assassinat par balles de deux jeunes élèves dans la banlieue de Conakry, Gassama Diaby ministre de la citoyenneté et de l’unité nationale annonce avoir pris un pool d’avocats pour soutenir la famille des victimes. Il promet que cette fois-ci, il y aura justice. Votre opinion sur ce sujet ?
On verra bien quel pouvoir a le ministre Gassama puisqu’on a suivi sa démarche que je qualifie d’hypocrite. Si non, il est membre du gouvernement et il siège au conseil des ministres où il aurait pu interpeller ses collègues de la justice, de la sécurité ou le premier ministre pour que la barbarie des forces de l’ordre cesse dans la banlieue de Conakry. C’est comme si c’est une force d’occupation. Ce que nous voyons, c’est comme ce qui se passe dans les colonies où une armée étrangère occupe un territoire. On ne peut pas comprendre que des guinéens habillés et nourris par les populations guinéennes puissent se comporter comme en terrain conquis en massacrant, en détruisant tout sur leur passage. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des morts par balles. Cela dénote de l’impunité qu’il y a dans notre pays. Le gouvernement aurait pu arrêter et condamner ceux qui tirent. Ça aurait cessé. Ils devraient même pas descendre sur le terrain avec des armes de guerre pour le maintien d’ordre. C’est difficile de prospérer dans un pays où la personne et son investissement ne sont pas sécurisés.
Qu’est-ce que vous avez à ajouter pour clôturer cet entretien ?
C’est toujours appeler le gouvernement à un sens de responsabilité et au respect des lois de notre pays, assurer la sécurité de tous les guinéens quelque soit leur appartenance politique. Avant d’être membre d’un parti politique ou une communauté, on est tous guinéen. Je demande aux organisations de la société civile, aux ONG, aux partis politiques de se donner les mains pour obliger le gouvernement à respecter la vie qui est sacrée. La constitution guinéenne consacre la vie, la liberté d’opinion, la liberté d’entreprendre. Enfin, je demande aux membres du mouvement républicain d’être sereins et soudés puisque ces élections locales nous ont permis de tester nos capacités. On a obtenu un résultat probant, donc ce n’est pas le moment de monnayer cela, c’est plutôt le temps de resserrer les rangs.
Propos recueillis par Mamadou Aliou Barry .