Dans un entretien accordé à Guinee360, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finance, Mme Malado Kaba, partage sa lecture sur la faible représentativité des femmes dans les instances de décisions, l’émancipation de la couche féminine et la célébration en “grande fête”, la journée internationale des droits des femmes. Elle a salué la bravoure de la femme guinéenne, même si « beaucoup reste à faire ».
Guinee360 : Mois de mars, mois de la femme. Pour vous en quoi cette période devrait être consacrée ?
Malado Kaba: C’est un mois qui doit être consacré à commémorer la mémoire de tous ceux et celles qui ont promu les droits des femmes, et c’est parfois au péril de leur vie. C’est également un mois pour revendiquer, car il y a encore beaucoup de défis à relever pour l’atteinte de l’égalité entre hommes et femmes et le respect de nos droits. Le 8 mars c’est un moment où l’on fait le bilan des actions pour faire avancer les droits des femmes et pour se projeter et continuer les efforts. Il est crucial de défendre les droits des Guinéennes parce qu’elles sont avant tout des citoyennes.
Aujourd’hui, il est important de comprendre que la parité en genre est une question de bon sens économique. L’on sait par exemple qu’en réduisant de façon significative les inégalités de genre on pourrait ajouter près de 12 mille milliards de dollars à la croissance globale. Sur notre continent, en promouvant l’égalité homme-femme, on pourrait accroître le produit intérieur brut (PIB) de près de 12% à l’horizon 2025 et en Guinée des études récentes ont montré que notre PIB par tête pourrait augmenter de 10% à l’horizon 2035.
Depuis plusieurs années, la journée du 08 mars est plutôt célébrée en fête. Qu’en pensez-vous et que pourrait-on faire ?
Il faut qu’on sorte de la distraction. Je crois que l’on pourrait par exemple décider d’identifier une ou deux thématiques sur lesquelles se pencher concrètement pendant l’année en cours et présenter les résultats l’année suivante. Ça permettrait peut-être de sortir de ce côté trop festif.
Comment définissez-vous l’émancipation de la couche féminine ?
Vous savez, l’émancipation féminine passe par plusieurs choses. Les femmes sont victimes de violences sexuelles. Les viols sont banalisés et restent largement impunis. En 2018, il y avait encore 96% de femmes âgées de 15 à 49 ans qui étaient excisées. Les VBG sont un vrai calvaire. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on n’évoque des cas de viols, de violences physiques à l’égard des femmes.
Les femmes n’ont pas accès aux financements. En Afrique subsaharienne, 20 à 30% des femmes détiennent un compte bancaire et la moitié d’entre elles détiennent ces comptes à travers leurs conjoints. Et 1% des femmes ont accès à des sources de financement formel. Tout ceci prouve qu’on a encore beaucoup de chemin à parcourir. Lorsqu’on regarde la digitalisation, là aussi les écarts entre hommes et femmes sont importants…
Pensez-vous que la non-représentativité des femmes dans les instances de prise de décisions pose un frein à leur épanouissement ?
Nous disposons de plusieurs études qui montrent les bienfaits de la diversité en genre dans les organisations et les sociétés. Avoir des personnes avec des parcours professionnels divers, des expériences de vie différentes et de genres différents permet d’avoir un éventail de solutions plus grand. Les organisations qui sont fondées sur la diversité sont plus performantes et inclusives.
En ce qui concerne la Guinée, le cabinet Falémé Conseil a récemment publié le premier tableau de bord sur la diversité genre en Guinée qui examine la participation des femmes au gouvernement sur les 10 dernières années. Les résultats sont intéressants car ils battent en brèche certaines idées reçues. Par exemple, près de 31% de femmes détenaient un portefeuille ministériel avant septembre 2021 contre 15% en 2010. Ce pourcentage est supérieur à la moyenne globale et mondiale qui se situe à 22%. Cependant, tous ces chiffres ne veulent pas dire qu’il faut s’arrêter là, car on veut la parité et il faut continuer à pousser.
Vous avez été la première femme à occuper le portefeuille du ministère de l’Economie et des finances. Cela a inspiré beaucoup de filles et femmes de la nouvelle génération. Est-ce que cet exploit a un secret ?
Le seul secret c’est le travail, la confiance en soi et cette confiance en soi on la bâtit en se formant, la formation académique mais aussi les formations professionnelles. L’autre élément, ce sont les mentors. Moi j’ai eu la chance d’avoir d’excellents mentors qui étaient à la fois des hommes et des femmes qui m’ont toujours accompagnée durant ma carrière professionnelle. Mais pour moi, le travail reste un facteur déterminant. Il n’y a pas d’ascenseur pour atteindre ses objectifs. Il faut travailler sans relâche.
Un message à l’ensemble des femmes et aux Guinéennes en particulier ?
La femme guinéenne est une battante, mais il est important de travailler, de se former, quel que soit son métier. Personne ne vous enlèvera vos diplômes. La beauté finit par se faner.
Madame la ministre, nous arrivons à la fin de cet entretien. Dites-nous 3 mots qui caractérisent la femme guinéenne…
Battante, responsable et pionnière.
Entretien réalisé par Adama Hawa Bah