La Cour constitutionnelle est dans l’impasse depuis le 5 mars dernier. Le tirage au sort triennal des membres a tourné au fiasco. Les 8 commissaires ont destitué le président Kelefa Sall. Le point de vue du Dr Alhassane Makanera Kaké, enseignant chercheur à l’Université de Sonfonia, sur cette situation.
D’abord, l’enseignant chercheur et membre du bureau politique de l’UFR pense que cette pagaille à la Cour constitutionnelle est «regrettable» parce qu’il y avait, selon lui, une solution juridique à la place de ce que le président de la Cour constitutionnelle a fait: «C’est la plus haute juridiction qui doit dire ce qui est légal. Donc, la plus haute cour de la légalité. Si elle ne respecte pas la légalité, ça pose problème. Selon nos informations, à travers la presse, il est dit que Kelefa Sall avait demandé de faire tirage au sort dans la salle, qu’il y a eu de problèmes. La réponse était de se retirer dans son bureau, faire venir d’autres personnes qui ne sont même pas de la Cour et faire le tirage au sort dans son bureau».
«Solution regrettable», estime Dr Kaké, soulignant en plus que la Constitution dispose que le président de la République a la compétence de réguler et d’assurer le fonctionnement régulier des services publics.
«Telle chose se pose au niveau de Kelefa Sall, en tant que juriste de son état, il aurait pu utiliser la voie de droit en demandant au président de la République – ça ne va pas au sein de l’institution dans laquelle je suis le chef, donc il y a un dysfonctionnement- comme vous êtes chargé d’assurer le fonctionnement régulier, je remets le dossier à votre niveau. Il (le chef de l’Etat) aurait donné des instructions. Par exemple, il aurait demandé aux commissaires vous êtes soit convoqués à être là et à faire tel jour le tirage au sort. Ça c’est la voie du droit, mais le président Kelefa a pris une voie hors droit et c’est pourquoi, je dis que c’est regrettable» .
Destitution de Kelefa, la faute revient au droit
Concernant cette destitution de Kelefa Sall de la présidence de la Cour constitutionnelle, par ses pairs, l’analyste souligne que c’est une situation complexe: «Les 8 commissaires se sont réunis et ont pris une décision en le destituant, juridiquement, c’est complexe. Parce qu’en fait s’il est destitué par un arrêt de la Cour constitutionnelle et les conditions de légalité de la prise de décision de cet arrêt ne s’opposent pas- parce qu’en fait aucune autorité ne peut contrôler la légalité de l’arrêt de la Cour constitutionnelle. Elle est juge de sa compétence- si les commissaires déclarent que le président est destitué, on n’a aucun pouvoir de dire que l’arrêt là est illégal. En tout cas, la Constitution dit clairement que l’arrêt de la Cour constitutionnelle est sans recours et s’impose à tous. Elle n’a pas dit l’arrêt légal ou illégal, mais tout simplement l’arrêt. Et si cette décision qu’on appelle arrêt, donc est non susceptible de recours, ce qui voudrait dire tout simplement que M. Kelefa Sall n’est plus président de la Cour constitutionnelle. Cela est ma position sur le plan du droit».
Citant la loi organique portant création, composition et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, M. Kaké explique qu’un tiers des commissaires membres de l’institution devrait être tiré au sort. Car, justifie-t-il, «il y a 9 commissaires. Le tiers de 8 ce n’est pas 3. Si on enlève le président, il restera 8 et 3 n’est pas tiers de 8. Cela signifie que même le président devrait faire partie du tirage au sort. Les 9 ans c’est pour tous les commissaires. Le président est élu pour 9 ans, mais qu’à chaque 3 ans, les commissaires sont tirés au sort par tiers. Cela signifie pour appliquer cette disposition spéciale, le président même devrait être tiré au sort. Ou bien, on aurait dit à l’exception du président, mais on ne dirait plus le tiers des commissaires parce que ça reste 8. Dans ce cas, on aurait dit 3 conseillers, pas le tiers. Mais quand on dit le tiers c’est par rapport aux 9 commissaires y compris donc le président. Il y a imprécision à ce niveau».
Alternative possible
Le chercheur pense que dans ce cas-ci, «si on considère la loi qui dit que la décision de la Cour constitutionnelle est sans appel et s’impose, M. Kelefa Sall n’est plus chef et on fait un autre tirage au sort. Mais comme en Guinée on aime le compromis, certains trouvent des solutions de gauche à droite. On revient à l’annulation de deux actes et on reprend tout à zéro. Aujourd’hui, c’est des solutions de sortie de crise qu’on cherche parce que déjà l’huile est versée», conclut le Dr Alhassane Makanera Kaké.